Belgique
Une commission du Parlement belge sur le passé colonial, créée dans la foulée du mouvement Black Lives Matter en 2020, a achevé lundi ses travaux sur un constat d'échec, faute de consensus sur des "excuses" à formuler aux anciennes colonies.
Cette annonce intervient le jour même où, aux Pays-Bas, le Premier ministre Mark Rutte a présenté les excuses officielles du gouvernement pour le rôle de l'Etat néerlandais dans l'esclavage.
La commission belge se penchait depuis près de deux ans et demi sur les agissements de la Belgique dans ses trois anciennes colonies "et les suites qu'il convient d'y réserver". Sont concernés le Congo - l'actuelle RDC -, le Rwanda et le Burundi, devenus indépendants entre 1960 et 1962.
Socialistes et écologistes belges ont estimé que leurs partenaires libéraux dans la coalition au pouvoir portaient la responsabilité de l'échec de cette commission, par leur refus de voter un rapport intégrant de telles "excuses".
Les libéraux francophones (Mouvement réformateur, MR) et flamands (Open VLD) ont répliqué en accusant le président de la commission - l'écologiste flamand Wouter De Vriendt - de s'être "accroché à son unique point de vue" quitte à "sacrifier plus de deux années de labeur".
Lundi était le jour de l'ultime réunion de la "commission spéciale Passé colonial" censée aboutir à une série de recommandations formulées à la Chambre des députés. Mais faute de consensus au sein de la majorité, les 128 recommandations rédigées par M. De Vriendt n'ont été soumises à aucun vote.
"Les libéraux ont saboté les travaux de la commission par dogmatisme colonial", a accusé le député écologiste francophone (Ecolo) Guillaume Defossé en ciblant la famille politique du Premier ministre Alexander De Croo.
"C'est du gâchis, une déception énorme", a-t-il ajouté à l'AFP, "aujourd'hui chez nous les libéraux ne sont pas capables d'assumer ce passé-là".
Dès novembre les libéraux francophones, par la voix du député Benoît Piedboeuf, avaient annoncé que la recommandation numéro 69 constituait à leurs yeux une pierre d'achoppement.
Celle-ci prévoyait que la Chambre "présente ses excuses aux peuples congolais, burundais et rwandais pour la domination et l'exploitation coloniales, les violences et les atrocités, les violations individuelles et collectives des droits humains durant cette période, ainsi que le racisme et la discrimination qui les ont accompagnés".
M. Piedboeuf s'était dit "radicalement contre" des excuses "pour la globalité des faits", qui auraient créé deux groupes opposés; "les victimes d'un côté, les coupables de l'autre".
"Pourquoi tous les Belges d'aujourd'hui devraient s'excuser ?", avait renchéri le 28 novembre la libérale flamande Maggie De Block.
Le 30 juin 2020, dans une démarche inédite pour un descendant du très décrié Léopold II (qui avait exploité le Congo comme sa propriété personnelle de 1885 à 1908, usant de violences), le roi des Belges Philippe avait exprimé au président congolais Félix Tshisekedi ses "plus profonds regrets" pour les blessures de la colonisation. Des propos répétés à Kinshasa lors du premier voyage du souverain en RDC en juin 2022.
Aux yeux des libéraux, la commission aurait dû s'en tenir à ces mots du roi, une reconnaissance des méfaits de la colonisation qui "n'implique aucune responsabilité juridique et ne peut donc donner lieu à des réparations".
L'"obstination" à recommander des excuses "est d'autant plus regrettable" que "120 recommandations sur 128 faisaient consensus" dans la majorité parlementaire, ont encore fait valoir le MR et l'Open VLD.
Dès l'été 2020, des voix s'étaient élevées parmi les Afro-descendants de Belgique pour réclamer des "excuses" au-delà de ces "regrets" du roi. L'onde de choc mondiale provoquée par le meurtre de l'Afro-américain George Floyd avait donné lieu en Belgique à des manifestations et au déboulonnage de plusieurs statues de Léopold II.
Selon Guillaume Defossé, l'impossible consensus sur les "excuses" est "un nouveau coup dur" pour les populations congolaises, rwandaises et burundaises. "Il reste néanmoins tout ce travail effectué, des propos inédits, un débat qui s'est créé et doit continuer", relève-t-il.
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